Didier Chenet au congrès du GNI : "Nous sommes en marche vers la reconquête"

Pendant deux jours, le sixième congrès du GNI a rassemblé ses membres autour de la reconquête : financière, des collaborateurs, et de la clientèle. Signe de l'importance que le Gouvernement accorde au secteur, Bruno Le Maire, Alain Griset, Elisabeth Borne et Jean-Baptiste Lemoyne ont fait le déplacement.

Publié le 19 novembre 2021 à 18:12

Quel bonheur de se retrouver physiquement !” Pascal Mousset, président du GNI Île-de-France, n’a pas caché son émotion lors du discours inaugural du congrès national du syndicat, qui se déroule les 15 et 16 novembre à la Maison de l’artisanat, à Paris. Didier Chenet, président du GNI, est revenu sur le soutien de l’État depuis le début de la crise sanitaire : “Sans les aides, nous ne serions certainement plus là. Il a également abordé les sujets qui fâchent, en rappelant l’absence de soutien des bailleurs et le comportement des assureurs, qui ont fait preuve “d’insolence”. Après dix-huit mois d’une crise sanitaire à l’impact sans précédent “nous sommes en marche vers la reconquête”, a-t-il clamé.

 

Indépendance financière

Ce thème de la reconquête s’est retrouvé dans les tables rondes et échanges du congrès. Ainsi, Frédéric Visnovsky, de la Banque de France, a rappelé que “le secteur [des CHR] est celui qui a le plus recours à la combinaison des différents types de soutien. Les dispositifs ont compensé les pertes, mais pas en totalité. En parallèle, la reprise économique est très forte, même si le niveau d’avant crise n’a pas encore été retrouvé. Il y a eu une augmentation de l’endettement mais aussi de trésorerie des entreprises. Globalement, plus de 70 % des entreprises ont augmenté leur trésorerie.” Des chiffres qui “ne reflètent pas notre réalité”, s’est désolé Bernard Cabiron, président de la branche des traiteurs et organisateurs de réceptions du GNI, qui “ne partage pas cet optimisme sur le terrain”.

Derrière des chiffres, les perceptions sont en effet bien différentes. “La solution, c’est l’accompagnement personnalisé. Il ne faut pas avoir peur de parler [à son banquier] de ses difficultés”, a insisté Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française. “Les banques ne vivent que par leurs clients. Et donc il n’est pas dans leur intérêt de rompre une relation avec un client”, a renchéri Frédéric Visnovsky. Pour Pedro Novo, directeur exécutif et en charge des activités export de Bpifrance, “il faut se préparer à la reprise, dès maintenant.” Christophe Des Roseaux, directeur des investissements tourismes à la Caisse des dépôts, a rappelé l’existence du prêt relance tourisme, coconstruit avec le GNI il y a une dizaine d’années, au moment du changement du classement hôtelier. Et il a expliqué que le niveau d’investissement n’a pas baissé, “au contraire”.

 

L’épineuse question des loyers

Second sujet abordé : les loyers. Pour Anne Lefort, avocate au barreau de Paris, “son bailleur, on en a besoin. C’est un contrat sur du long terme et il ne faut pas rompre le dialogue. En cas de désaccord, la première étape est de saisir la commission spécialisée dans ces litiges. Elle est gratuite et rapide, avec convocation dans un délai de deux mois et rend un avis dans les trois mois, voire à la suite même de la séance. Autre dispositif pour résoudre les litiges, le recours à un médiateur : “Il n’y a pas deux cas pareils. Nous enregistrons un taux de succès de médiation de 70 %. Les délais sont aussi très courts, une semaine à dix jours en moyenne”, explique Pierre Pelouzet, médiateur national des entreprises

 

Recruter et fidéliser ses collaborateurs

Invité à s’exprimer le 15 novembre, Bruno le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, a reconnu l’importance des CHR. Il a néanmoins souligné “un certain nombre de problèmes immédiats à régler”. Premièrement : les prêts garantis par l’État (PGE), dont le recours vient d’être prolongé jusqu’en 2022. “C’est un peu plus de 140 milliards d’euros d’encours. Je n’envisage pas de mesure universelle. En revanche, aucun d’entre vous n’aura de difficulté de trésorerie liée à un remboursement de ces crédits. Si nous devons trouver des solutions au cas par cas, nous les trouverons pour qu’il y ait un accord entre le banquier et le débiteur, sous l’autorité de l’État.”

L’autre urgence, c’est le recrutement. “Il y a un rapport au travail qui a changé et on ne s’en sortira pas en allant expliquer que les jeunes générations ne veulent plus travailler. Beaucoup sont prêts à changer leur organisation. Vous êtes ouverts aussi à des augmentations de rémunération. L’attractivité ne se résume pas à la rémunération mais c’est une part. L’une des réponses que l’on peut porter à vos métiers, c’est la défiscalisation. Mais quelles sont les solutions que l’on peut apporter aux jeunes qui intègrent le secteur ?”  Cette dernière interrogation a introduit la table ronde autour de la reconquête des collaborateurs, animée par Alexandre Ascher, qui a insisté sur la nécessité de “changer”. Un constat qui transparait dans les chiffres et les commentaires de l‘enquête sur l’attractivité dans les métiers des CHR que L’Hôtellerie Restauration a mené en octobre et présenté au congrès du GNI.

 

L’évolution salariale

La question du salaire est récurrente. Emmanuel Achard, président de la commission sociale du GNI, a abordé le sujet : “Le 18 novembre, nous avons une commission mixte paritaire. Quand on propose une grille de salaires, on commence par faire des simulations : qu’est-ce que ça donne en net, avec la réduction Fillon, etc. On a fait des commissions de région. C’est à la suite de toutes ces discussions que l’on pourra proposer quelque chose. Mais le 13e mois, contrairement à ce qui a été annoncé, n’est pas un sujet à l’ordre du jour. Selon lui, il y a trois axes de travail : l’attractivité via l’augmentation des salaires, la remise à plat de l’organisation du travail et les conditions de travail. Une fois cela fait, Didier Chenet compte demander des actions de la part du Gouvernement, comme la défiscalisation des heures supplémentaires.

En clôture de la première journée de congrès Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État au Tourisme, est lui aussi venu témoigner son soutien envers les professionnels du secteur CHR.

 

Recruter et fidéliser ses collaborateurs
Quatre professionnels ont témoigné de l’évolution de leurs pratiques managériales. Ainsi, Alain Fontaine, restaurateur à Paris, a expliqué qu’il avait supprimé la coupure et a renoncé à maintenir une ouverture 7 jours sur 7. De son côté, Fabienne Ardouin, hôtelière à Paris, a expliqué avoir opté pour un management de proximité. “J’ai mis en place un comité d’entreprise même si j’ai peu d’employés. Et je ne paye pas mes collaborateurs au smic.” “Cet été, j’ai perdu beaucoup de collaborateurs, a témoigné Michel Naas, restaurateur à Chambéry. J’essaie donc de consolider les équipes. J’ai mis en place 2 jours de repos et versé la prime Macron, conditionnée à six mois d’ancienneté.” Enfin, Philippe Lhomme, hôtelier-restaurateur dans les environs d’Angoulême, a lui aussi opté pour un management de proximité. Et si les problèmes ne sont pas les mêmes qu’à Paris, il a pointé du doigt des salaires bien trop bas en région parisienne : “avec 1 200 € nets par mois il ne reste rien pour vivre. On ne peut pas payer en dessous de 1 500 € nets nos collaborateurs.”

 

Reconquête de sa clientèle

François Blouin, fondateur et directeur général de Food service vision, et Emmanuel Argoud, directeur associé, ont présenté les résultats d’une enquête sur le comportement de la clientèle depuis la crise sanitaire. Ainsi, “93 % des clients ont repris le chemin des restaurants”, assurent-ils. La réalité est cependant bien disparate, ont-ils nuancé. Ainsi, la restauration rapide ou les boulangeries, par exemple, enregistrent des chiffres supérieurs à 2019, et Paris et l’Île-de-France superforment. Mais la restauration fonctionnelle, de son côté, est en baisse, victime du télétravail et de la baisse des déplacements professionnels… Autre constat : la restauration hors salle a connu une mutation profonde en l’espace de quelques mois. Avant le confinement, 40 % de la restauration se faisait en livraison ou vente à emporter, contre 56 % à l’été 2021. La livraison s’installe comme un troisième canal parti pour durer, avec + 11 % de restaurants livreurs, + 17 % de restaurants virtuels et + 87 % de dark kitchens. Enfin, les résultats de l’enquête insistent sur l’importance du local, premier facteur de choix pour les clients.

 

Tisser des liens directs

Pour mieux connaître sa clientèle, il est aujourd’hui nécessaire d’être bien équipé et formé, notamment pour savoir analyser les données dont nous disposons. C’était l’enjeu d’une autre table ronde, au cours de laquelle Fabienne Ardouin, co-présidente de la commission Europe et numérique du GNI, a rappelé que certaines données sont plus ou moins pertinentes, et qu’il est important de savoir faire le tri. Par exemple, “connaître la nationalité de son client” est une donnée qui permet de cibler sa communication. “Il est primordial de maîtriser ce lien digital avec le client”, assure François Blouin. Attention néanmoins “au manque de formation sur ces outils, rappelle Amable-Jérôme Doria, co-président de la commission Europe et Numérique du GNI. Il y a des leviers énormes comme la Saint-Valentin ou les fêtes de fin d’année, mais déjà, communiquer sur la réouverture ou de nouveaux horaires, n’a pas été donné à tout le monde.Pour appuyer ce besoin de formation, le GNI a créé un parcours d’initiation numérique pour l’accueil en hôtellerie-restauration qui a reçu le soutien de la BPI.

Au terme d’un congrès qu’il a qualifié de “pragmatique”, Didier Chenet a remercié le Gouvernement, à travers la personne d’Elisabeth Borne, ministre du Travail, pour la “prise en charge de nos salariés à travers le chômage partiel”. La ministre a insisté sur sa confiance envers le secteur pour trouver des solutions d’attractivité et a rappelé qu'il est celui qui a le plus formé ses salariés pendant la crise sanitaire. Revenant sur la crise de l’emploi que traverse le secteur, le président du GNI n’a pas esquivé : Les efforts devront être faits, ils seront faits. Mais notre travail sur l’attractivité ne ressort pas des seuls acteurs de la profession. Nous devons travailler avec le gouvernement sur l’attractivité des salaires de nos salariés.”

 

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Publié par Romy CARRERE



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