L’Hôtellerie Restauration : Il y a longtemps qu’on n’a pas vu une sélection aussi fournie. Qu’est-ce que cela indique ?
Gwendal Poullennec : 62 promotions à l’étoile, c’est assez extraordinaire à la fois en volume mais aussi en cumul. En 2019, nous avions eu une très belle année avec plus de 70 promotions, mais il y avait moins d’étoiles qu’aujourd’hui car nous avons 639 restaurants étoilés qui scintillent en France. La France est le pays où l’on compte toujours le plus grand nombre d’étoilés. Cela correspond à un phénomène qui prend beaucoup d’ampleur : on voit de superbes projets entrepreneuriaux, de vrais projets de vie par des jeunes chefs, couples ou associés, partout sur le territoire.
Comment s’exprime ce dynamisme ?
Sur les 52 promotions 1 étoile, 23 projets sont des ouvertures réalisées dans l’année. On voit le dynamisme de ces projets, de ces chefs et de ces entrepreneurs qui ont tout de suite proposé une cuisine de haut niveau et qui ont pu être reconnus par les inspecteurs. Pour nous, ces chefs ont déjà une maturité, un vrai savoir-faire et une maîtrise que leur permet d’affirmer leur propre personnalité culinaire très rapidement.
Par le passé, Michelin a souvent été critiqué pour son manque de réactivité pour récompenser les restaurants. Vous avez beaucoup d’ouvertures dans cette sélection. Est-ce pour couper court aux critiques ?
Si ces tables ont été distinguées, ce n’est pas parce que ce sont des jeunes chefs mais parce qu’ils ont du talent quels que soient le genre, le style ou la localisation. Ce phénomène de jeunes chefs prend de l’ampleur et c’est ce que Michelin révèle. C’est bien la preuve que les inspecteurs sont aux avant-postes pour dénicher toutes les pépites. De ce fait, le guide Michelin reste probablement le premier acteur de promotion de la scène culinaire française.
Vous aviez souligné ce dynamisme de la jeune cuisine française lors de la révélation des établissements obtenant un Bib Gourmand…
Oui c’est un mouvement d’ensemble qui prend de l’ampleur partout sur le territoire. Il y a ce courage entrepreneurial et une ambition dans ces tables vu le niveau de qualité offert. On ne peut que se réjouir de voir la cuisine française portée par cette belle dynamique. C’est une formidable promesse pour l’avenir.
Il faut aussi souligner que sur les 62 nouveaux étoilés, la moitié sont menés par des chefs de moins de 40 ans. En régions, au-delà d’être des projets entrepreneuriaux menés par de jeunes chefs dont certains ont été formés dans de grandes maisons, ce sont des projets de vie qui leur ressemblent et qui sont cohérents. Cette cohérence, cette qualité et finalement cette harmonie qui est vécue par nos inspecteurs est la raison pour laquelle dans ces tables, nous avons pu avancer sur la distinction.
Par exemple, Le Chamarlenc, au Puy-en-Velay, qui obtient 1 étoile, c’est un jeune couple de 25 et 26 ans et au sommet, avec 3 étoiles, Fabien Ferré, 35 ans, qui devient le plus jeune chef 3 étoiles de France, après Alain Ducasse , qui avait alors 33 ans.
Un mot sur Fabien Ferré, nouveau 3 étoiles à La Table du Castellet dans le Var ?
Fabien Ferré est un chef qui s’épanouit dans sa propre personnalité culinaire. C’est une très belle histoire de transmission avec Christophe Bacquié. Ils ont fait des concours ensemble. Christophe Bacquié lui a mis le pied à l’étrier tout en lui permettant de s’épanouir et, à la réouverture au printemps 2023, c’est devenu une table proposant la signature du chef. Il a vraiment pris son envol avec sa propre cuisine, et c’est donc une nouvelle table étoilée avec un chef de 35 ans. C’est l’illustration parfaite du message de la sélection cette année.
Ce chef était donc déjà au Castellet et l’ensemble des repas a montré sa force créatrice, l’excellence de sa maîtrise culinaire et la fameuse régularité dont nos inspecteurs s’assurent pour faire nos recommandations.
Sur Jérôme Banctel, La Réserve à Paris, nouveau 3 étoiles Michelin ?
Cela fait partie des tables que l’on suit depuis un bon moment. Pour nous, Jérôme Banctel est un chef qui arrive au sommet de son art, de sa maîtrise, avec un style de cuisine qui lui est propre, inspiré à la fois par sa région d’origine, la Bretagne, mais aussi par sa passion pour l’Asie et la Turquie, sa capacité à jouer avec les amertumes autant qu’avec les saveurs iodées. Cette table a franchi un cap. Il y a eu vraiment une élévation du niveau culinaire cette année.
Publié par Nadine LEMOINE