"Je vous donne rendez-vous tout au long de cette année, pour vous livrer avec autant de recul possible, notre retour d’expérience, nos avancées, nos doutes, nos renoncements, nos accomplissements. Concilier l'économie et le sociétal est un vrai challenge pour toute entreprise, en premier lieu pour son leadership. Je vis ce challenge au quotidien. On me demande de plus en plus souvent de témoigner, de faire part de ma vision de ce qu’est un leadership que l’on qualifie de “responsable” ou “durable”. Je ne suis pas en mesure de le théoriser mais je peux en illustrer la recherche continue - et l’humilité que cette recherche requiert - par l’expérience que je suis en train de vivre en tant que DG de METRO France.
Ma première conviction est que chacun à son échelle à la capacité d'agir. À l'échelle individuelle bien évidemment mais aussi et surtout à l’échèle du monde économique et notamment celui des entreprises. Les entreprises ont, à travers leurs décisions économiques, leur place dans la chaîne de valeur, des leviers d'action puissants !
Ma seconde conviction est que les défis RSE auxquels nous sommes confrontés impactent directement la vie de l'entreprise, ses clients, ses fournisseurs, ses collaborateurs. Les relever, c'est agir dans l'intérêt même de l'entreprise. Concilier business et RSE est donc avant tout un acte de Management Stratégique. Je suis profondément convaincu que METRO France - qui relie 9 000 salariés, 4 000 fournisseurs, 250 000 restaurateurs et qui intervient dans la transition agro-alimentaire – à cette capacité de replacer l’humain au centre et de contribuer à l’intérêt commun. Je crois que nous sommes de plus en plus nombreux à partager cette conviction. La question est comment s’y prendre.
En se dotant d’une raison d’être et de bien plus : un récit Qui dit “projet d’entreprise”, “concilier business et RSE”, dit naturellement “raison d'être”. Car j'aime à voir dans la raison d’être telle que définie par la loi PACTE de 2019, l’ambition d’interroger l’utilité de notre entreprise dans la société, ce qu’elle apporte au-delà des indicateurs socioéconomiques classiques mais en termes “sociétaux”.
Nous avons donc fait le choix de définir notre raison d’être. Récemment, en 2023, car il fallait trouver le moment opportun dans notre trajectoire. Et selon un processus original, de réelle coconstruction (j’insiste sur le “réelle”), avec une centaine de salariés : de notre équipe RSE par nature très volontariste, à des clients, des fournisseurs, en passant par notre COMEX, notre CODIR élargi, des collaborateurs plus opérationnels, des représentants de tous les métiers. Une raison d’être ambitieuse, et c’est notre cas, est une vraie boussole à long terme. L’accomplir requiert une temporalité plus longue que les 3/5 ans d’un classique plan stratégique. Cela requiert aussi de reconnaître l’incertitude à laquelle nous sommes tous confrontés, et même d’en faire un moteur. L’accomplir requiert de l’intégrer pour qu'elle s'inscrive dans notre modèle d'affaires et soit les bases de notre futur chiffre d'affaires et rentabilité. La RSE n’est pas un adjuvant, mais l’alpha et l’oméga de l’activité de l’entreprise, de ce que nous devons à nos collaborateurs, à nos clients, à nos actionnaires. Changer de regard sur notre entreprise et le monde qui l’entoure Pour faire naître ce nouveau projet d’entreprise, il nous a fallu changer de regard. Sur notre propre entreprise pour commencer. Savoir apprécier notre poids (leader de l’approvisionnement des restaurants de France) mais aussi sa relativité quand on considère l’ensemble du secteur alimentaire français. Se rappeler aussi d’où l’entreprise vient et ce qui en fait sa personnalité. Nous avons donc pris le soin de mobiliser ce qui constitue notre patrimoine culturel : notre histoire, les défis que nous avons déjà su relever, nos paradoxes aussi, nos singularités surtout. Cela permet d’envisager le futur avec un vrai capital confiance. Nous avons pris le temps de regarder comment la société évolue, de nous forger une vision commune de ce que nous pourrions faire nous, METRO France pour être utile, plus utile… Quand on parle d’utilité, c’est contribuer à notre niveau, là où c’est possible sans prétendre que nous allons sauver le monde. Nous avons ainsi identifié précisément 5 périls sur lesquels notre entreprise a vraiment une portée d’action :
1. la disponibilité des ressources alimentaires, énergétiques et humaines
2. des chaînes de valeurs déséquilibrées souvent injustes voire précaires
3. le risque d’uniformisation des goûts et un enjeu nutritionnel fort
4. la pression sur l’environnement
5. la menace qui pèse sur le vivre ensemble (Alors que nous appartenons à un secteur synonyme de convivialité, de lien social et de solidarité)
Oser rêver à plus grand que l’entreprise pour mieux définir au service de quoi elle peut et veut se mettre METRO France a ainsi la capacité d'agir sur ces périls que ce soit à travers notre puissance nos politiques d'achat, le choix des produits sélectionnés ou encore la qualité des relations que nous avons avec nos filières d’approvisionnement. Nous bénéficions également d’une place clé au sein de notre chaîne de valeur et pouvons également utiliser notre sphère d'influence pour initier un mouvement de plus grande ampleur et aller chercher des alliés pour initier une démarche à plus fort impact.
Et nos clients dans tout cela ? Aujourd’hui, nous sommes tous conscient du rôle essentiel qu’ils jouent pour faire face aux périls que nous avons identifiés :
• Sur la disponibilité des ressources, en nous aidant à diversifier notre alimentation et « cuisiner » d’autres ingrédients
• Sur l’équilibre des chaines de valeur, en valorisant les origines, les terroirs et les savoir faire
• Sur le risque d’uniformisation des gouts et sur l’équilibre nutritionnel, en nous donnant l’envie de gouter de nouvelles saveurs ou en donnant l’envie de cuisiner
• Sur l’environnement, en privilégiant des ingrédients à moindre impact environnemental ou encore en rendant gourmande des assiettes plus végétales
• Sur le vivre ensemble, car les métiers de la cuisine sont propices à l’intégration professionnelle et la promotion sociale et parce que partager un repas autour d’une même table reste un moment de convivialité par excellence.
Cette prise de conscience nous a conduit à formuler un rêve, celui que toute la société reconnaisse le rôle essentiel que jouent les professionnels de la restauration depuis toujours et aussi à l’avenir. Et c’est à partir de ce rêve que nous avons pu définir une raison d’être qui nous ressemble vraiment, qui révèle en fait ce que nous sommes déjà, et qui nous projette avec un cap à la fois exigeant et enthousiasmant : “Donner aux restaurateurs les moyens de faire les bons choix pour que chacun se retrouve autour du bien manger.” C’est-à-dire, ceux qui :
• contribuent vraiment à la “transition agro-alimentaire”, à savoir le changement à grande échelle de la façon de produire et de consommer les aliments dont notre société a tant besoin,
• rendent plus justes les liens entre eux et tous ceux qui œuvrent en amont : les agriculteurs, les éleveurs et les industriels,
• cultivent la diversité des goûts, en préservant ceux des terroirs tout en enrichissant continuellement le patrimoine culinaire,
• et pérennisent à long terme leur activité.
Embarquer toute l’entreprise sur un chemin audacieux avec sincérité et transparence sur les incertitudes et les risques.
Cette raison d’être est notre nouvelle boussole à horizon 10 ans et nous l’avons choisie alors même que nous sommes engagés dans un plan stratégique de croissance ambitieux. Tous les salariés qui ont contribué à ce nouveau récit, ont exprimé le même désir empreint de lucidité : réussir la double équation qui consiste à accélérer notre croissance et à être plus utile à la société. Et je crois sincèrement que c’est possible.
Alors, nous avons dessiné un chemin fait de convictions plus que de KPI’s, d’objectifs long terme vers lesquels tendre en acceptant que nous ne serons pas parfaits du jour au lendemain, que coexisteront dans notre futur proche des pratiques nouvelles avec des pratiques actuelles, que nous essayerons des choses et que toutes n’aboutiront pas. L’essentiel, c’est d'avancer sur ce chemin qui comporte 4 dimensions :
• Faire profondément évoluer notre offre pour la rendre plus « durable »
• Faire du commerce différemment en misant sur l’offre durable et en accompagnant nos clients dans cette évolution
• S’assurer d’être toujours exemplaire
• Devenir agitateur dans nos écosystèmes
Ces 4 dimensions ne sont pas restées au stade de la déclaration d’intention. Elles se traduisent par 11 engagements concrets, tous aujourd’hui opérationnalisés dans des feuilles de route et plans d’actions où business et RSE coexistent.
Au-delà du cadre donné par la CSRD, concilier business et RSE reste le défi de ces années à venir, et surtout une aventure humaine forte, dont je souhaite témoigner. Je vous donne donc rendezvous tout au long de l’année à venir, pour vous livrer avec autant de recul possible, notre retour d’expérience, nos avancées, nos doutes, nos renoncements, nos accomplissements."
Pascal Peltier, directeur général chez METRO France