À eux trois, ils incarnent tout entier la génération montante d'une Australie en plein essor culinaire. De plus en plus incontournable à l'échelle planétaire, le pays 'down under' comme on l'appelle là-bas impose son esprit cool, son héritage barbecue emprunté à la culture américaine, les influences asiatiques très marquées (Sydney est la première ville de diaspora pour les Chinois), tout comme les ingrédients de la culture aborigène. Un mélange explosif qui, couplé à l'essor d'une croissance à deux chiffres, fait se multiplier les ouvertures de restaurant depuis plusieurs années. La première fois qu'on a vu les Three Blue Ducks (en français : trois canards bleus), ils n'étaient ni Ducks, ni connus, ni même trois, en tout cas pas ces trois-là…
Darren Robertson était venu faire le commis, par pur plaisir, lors du premier festival Omnivore à Moscou. Lui, le second du grand Tetsuya Wakuda - mega star en Australie et dans toute l'Asie, considéré comme un Dieu par Thierry Marx - taillait des légumes pour le dîner de Petter Nilsson et de David Kinch… Reconnaissance éternelle. Darren Robertson est le British du groupe, expatrié en Australie en 2001. C'est chez Tetsuya qu'il rencontre fin 2000 Shannon Debreceny et Mark Labrooy, deux gars de sa trempe, nourrissant les mêmes envies de cuisine et de liberté. Deux mecs cool comme lui, avec un pedigree de taille et un talent assez démesuré. Les Ducks étaient enfin trois, ils étaient prêts à conquérir Sydney, l'Australie et bien au-delà si le coeur leur en dit.
Tout pour plaire
Car objectivement, Three Blue Ducks, situé dans l'un des districts les plus sexy de Sydney, Bronte Beach - avec vue sur l'immensité du Pacifique - a tout pour plaire : un café de tous les jours qui se transforme, le soir venu, en restaurant gastronomique se prenant à moitié au sérieux. Si le menu en journée fait pleuvoir des pancakes, oeuf, bacon comme la plus belle des apocalypses, il plonge le soir venu ses racines dans une toute autre dimension culinaire, alliant le Japon, l'Asie, l'Italie ou la Polynésie dans une salve ininterrompue d'assiettes d'autant plus percutantes qu'elles sont sorties avec une apparente désinvolture par les trois gars derrière leur comptoir. Mais ne vous y trompez pas : la peau de poulet et parfait de poulet aux fruits rouges, les calamars au miso et wakame, la plus vibrante des clams chowder sont devenus des incontournables pour les mangeurs aussies. Leur bouquin Three Blue Ducks est un best-seller, leurs jolies gueules sont régulièrement photographiées et Darren, le mec cool, est même en train de casser la baraque à la télé nationale, devenant un Jamie Oliver à l'Australienne. Et ce n'est sans doute pas un hasard.
C'est grâce à cette oeuvre qu'ils construisent patiemment depuis 2011, grâce au renouvellement du genre et de l'esprit qu'ils incarnent, cette capacité à mobiliser autant d'énergies - on n'a pas parlé du jardin, du sourcing des produits et des vins nature, la démarche de cuisine raisonnée qu'ils suivent comme d'avenants apôtres -, l'incarnation même d'une génération 'take it easy' qui fait non seulement bien, mais mieux que la précédente, porte à la fois des valeurs de partage et de respect de l'environnement. Forcément Sydney craque pour eux, l'évidence de leur talent. Et bientôt, car il en va ainsi d'une cuisine 2.0, le monde saura que les trois jolis canards bleus de Sydney existent.
Publié par Luc Dubanchet