La fixation des prix en hôtellerie : le Revenue Management

Publié le 23 janvier 2020 à 16:58

 

  • Définitions

Il existe un certain nombre de méthodes permettant de fixer les prix en hôtellerie, mais on ne sait pas toujours de quel prix on parle : le prix affiché, le prix moyen ou le prix accordé à un client donné un jour donné ?
On peut regrouper dans un seul schéma (voir ci-dessous)  les différentes méthodes retenues pour leur caractère opérationnel en hôtellerie et de montrer comment elles s’articulent entre elles.

    • Le prix affiché

Fixé en fonction de considérations marketing, le prix affiché dépend du confort de l’hôtel, des prix de la concurrence (donc en partie de l’emplacement) et de l’image que l’hôtel a ou souhaite donner.
Il évolue en général assez peu et son influence sur la recette moyenne et sur les résultats est limitée compte tenu de la pratique généralisée de la tarification différenciée (en dehors de l’hôtellerie super économique).

    • Le prix moyen jour

Le prix moyen jour résulte du type de clientèle qui fréquente l’hôtel un jour donné, donc de la qualité du marketing, de l’action commerciale, de la communication mais également des méthodes de Revenue Management utilisées qui permettent d’optimiser l’allocation de capacité aux différentes classes tarifaires grâce aux prévisions de fréquentation des segments de clientèle.
Lorsque la demande est faible, ce prix peut être à peine supérieur au coût variable de la chambre (si cela ne nuit pas à l’image de l’hôtel) : pour un hôtel 3 étoiles dont le prix affiché est de 100 €, on considère que le coût variable est d’environ 15 € (blanchissage, nettoyage, énergie). En vendant la chambre 16 € plutôt que pas du tout, on améliore les résultats de l’hôtel !

Mais comment s’assurer que ces décisions prises au jour le jour sont compatibles avec les objectifs de résultat ? C’est le rôle du contrôle budgétaire.

    • Le prix moyen annuel

C’est du prix moyen annuel que dépend la rentabilité de l’hôtel. Lors de la création de l’établissement, on fixe l’objectif de prix moyen à partir des études de faisabilité financières et éventuellement de la règle du 1/1000e (voir ci-après). En cours d’exploitation, c’est le budget annuel qui fixe l’objectif.
Pour assurer la cohérence entre les décisions quotidiennes et l’objectif annuel, on compare chaque mois le prix moyen réalisé et le prix moyen prévu dans le cadre d’une procédure budgétaire (appelée reporting mensuel).

 

Situations de fixation des prix en hôtellerie et méthodes d'aide à la décision :

 

  • La règle du millième : un moyen simple de fixer l’objectif de prix moyen annuel

La plupart des acteurs et observateurs de l’industrie hôtelière connaissent la règle du 1/1 000e selon laquelle le prix de vente de la chambre doit être égal au 1/1 000e de son coût d’achat ou de construction.
Aux États-Unis, cette règle empirique était également très utilisée pour évaluer un hôtel en vue d’une transaction : la valeur d’un hôtel est estimée à 1 000 fois sa recette moyenne.
Une étude américaine réalisée il y a quelques années a apporté des précisions sur les conditions d’utilisation de cette règle.
L’étude a été réalisée sur un échantillon de 1 000 hôtels en observant la relation entre la valeur de l’hôtel lors d’un changement de propriétaire et sa recette moyenne au cours des douze mois précédant la transaction. Elle conclut que la recette moyenne journalière est le meilleur prédicateur de la valeur d’un hôtel et se révèle plus fiable que le résultat ou le taux d’occupation.

Toutes catégories confondues, pour 1 $ de recette moyenne journalière, la valeur de la chambre s’établit statistiquement à 800 $ (règle du 1/800e).

Cette règle du 1/800e cache des différences selon les catégories d’hôtels. Cependant, du fait de sa simplicité de mise en œuvre, elle peut fournir aux hôteliers une première estimation de la valeur de leur affaire qui sera ensuite complétée par des études plus approfondies comme la capitalisation des bénéfices futurs, par exemple.

 

  • Le Revenue Management (gestion optimale de la capacité)

    • Définitions

Depuis de nombreuses années, on parle de Yield Management en hôtellerie, aussi appelé Revenue Management (RM dans la suite du texte).
L’expression qui traduit le mieux le fonctionnement de cet outil est ‘gestion optimale de la capacité’  ou tarification en temps réel’.

Mis au point à l’origine par les compagnies aériennes américaines suite à la concurrence créée par la première génération de vols low cost, le RM s’est étendu aux différents modes de transports (trains, ferrys, véhicules de location), ainsi qu’à l’hôtellerie. Ces activités ont en effet certaines caractéristiques communes :

une production non stockable, ce qui signifie que toute capacité non vendue le jour J est définitivement perdue. On a donc intérêt à utiliser tous les leviers possibles et notamment les tarifs pour éviter de gâcher de la capacité ;

une capacité fixe, ce qui implique que, lorsque la demande est forte, on ne peut pas accroître la capacité pour y répondre. On a donc intérêt, d’une part, à sélectionner la clientèle prête à payer au prix fort la capacité dont on dispose et, d’autre part, à surbooker pour ne pas gâcher de la capacité en raison des annulations et des no-shows.
Les risques de ne pas gérer de façon optimale la capacité d’un hôtel sont de trois ordres et ont été identifiés :

      • Risque de gâchis : Disposer d’une chambre ou d’un siège non loué
        C’est le risque le plus évident parce qu’il se traduit par un taux d’occupation inférieur à 100%. Il fait regretter de n’avoir pas recherché une demande sensible au prix en ouvrant à temps des classes tarifaires économiques.

      • Risque de déchet : Refuser une réservation à un client prêt à payer T1 alors qu’une réservation a été acceptée pour un client qui paiera T2 (avec T2 < T1)
        Les opérationnels et les commerciaux sont moins sensibles à ce risque parce que, lorsque ce cas se présente, le taux d’occupation magique de 100 % a souvent été atteint. Pourtant, cela mérite souvent l’appréciation : ‘peut mieux faire’.

      •  Risque de refus: Refuser une chambre ou un embarquement à un client ayant réservé
        C’est le risque lié à l’overbooking. Ce risque est inhérent au RM parce qu’il n’y a pas d’optimisation possible sans overbooking. Mais le RM le gère…
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    • Les raisons du succès du Revenue Management

Deux autres caractéristiques des activités de transport et d’hôtellerie expliquent l’apparition et le succès du RM :

1. Le coût variable est faible : le coût variable est le supplément de coût occasionné par la présence d’un client supplémentaire dans l’hôtel. Prenons le cas d’un hôtel 2 étoiles.
Quels sont les termes de la réponse à la question que peut se poser le responsable hébergement ? : “Nous avons loué 120 chambres à 60 € en moyenne. Nous n’attendons pas de demande à 60 € et plus avant le jour J. Une chambre louée représente un coût variable (ou marginal) de 10 € comprenant le nettoyage, le blanchissage, l’énergie et les produits d’accueil. À quel tarif accepter (ou rechercher) la future demande sans perdre d’argent ?”

D’un strict point de vue financier, toute demande à plus de 10 € la chambre contribue à la couverture des charges fixes et améliore le résultat.

Il en résulte que les hôtels disposent d’une latitude importante dans la fixation de leurs tarifs et peuvent répondre à la demande de segments de clientèle ayant une sensibilité différente aux prix, à condition d’assurer l’étanchéité des segments par des barrières tarifaires (fences en anglais) efficaces.

Exemple d’un hôtel 2 étoiles : amplitude des tarifs possibles (et rentables) pour une prestation donnée

TARIF MINIMUM
Coût variable
10 €

TARIF MAXIMUM
Rack
100 €

 

 

2. Les prestations sont réservées à l’avance (au moins en partie) : le fait qu’une partie des clients réservent leur voyage ou leur chambre d’hôtel à l’avance permet de sélectionner la demande à forte contribution et d’éviter la politique du ‘premier arrivé, premier servi’.

L’optimisation du revenu commence souvent plusieurs mois avant le jour J de délivrance de la prestation (lorsqu’un client réserve une place dans un avion ou qu’un organisateur de congrès prend contact avec le commercial ‘groupes’ d’un hôtel).
Une première solution consiste à accepter toutes les réservations dans l’ordre où elles arrivent : il est vraisemblable que cette attitude qui consiste à ‘subir’ la demande conduira à une sous-optimisation du revenu.

Connaissant désormais les risques d’une gestion non optimale de la capacité, on comprendra plus aisément que le RM est apparu lorsqu’on a découvert tout le bénéfice que l’on pouvait tirer d’une prévision précise de la demande par segment pour une date donnée.

  

Date : 28 juin

Tarif

Demande prévue

Segment Affaires

A1

180

60

A2

150

30

Segment Tourisme

T1

110

70

T2

90

20

CA prévu

24 800

180

 

Si pour chaque journée on peut disposer d’une prévision fiable de la demande des différents segments de clientèle, on évite la plupart des risques et notamment celui de vendre la capacité trop tôt aux clients bénéficiant de tarifs spéciaux

Voilà pourquoi le fondement du RM consiste à réaliser une base de données historique de la fréquentation de l’hôtel à partir de laquelle seront réalisées les prévisions de fréquentation.

• à l’aide d’Excel : très utilisée il y a quelques années, cette solution tombe en désuétude avec la généralisation des modules statistiques des PMS.

• PMS : les PMS disposent aujourd’hui de modules statistiques et souvent de fonctionnalités plus ou moins développées de RM.

• Logiciels de RM : indépendants des PMS à l’origine (mais utilisant les données des PMS), ils sont le plus souvent proposés en extension des PMS. Les petits hôtels puvent recourir aux services d’un prestataire extérieur qui récupère les données du PMS, les traite avec un logiciel de RM et propose des recommandations tarifaires.

 

 

Composantes d’un système complet de RM :


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Publié par Jean-Claude OULÉ



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