Lundi de Pentecôte : jour férié ou journée de solidarité ?

En 2008, la loi a rétabli le caractère férié du lundi de Pentecôte tout en maintenant le principe d'une journée de solidarité en faveur des personnes âgées et handicapées. Les employeurs peuvent retenir cette date ou définir d'autres modalités : autre jour férié, RTT, congé conventionnel, fractionnement…

Publié le 23 mai 2013 à 12:54

La journée de solidarité a été mise en place en 2004 pour financer et assurer une meilleure prise en charge de l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Elle prend la forme d'une journée supplémentaire de travail non rémunérée pour les salariés, et pour les employeurs d'une contribution financière de 0,30 % assise sur la totalité des salaires (article L.3133-7 du code du travail). Depuis sa mise en place en 2004, la journée de solidarité a rapporté 18,6 milliards d'euros, dont 2,39 milliards en 2012, représentant 10 % des ressources de la Caisse nationale solidarité autonomie (CNSA) qui recueille et répartit ces ressources, a souligné Michèle Delaunay, la ministre déléguée en charge des Personnes âgées et de l'autonomie.

Cette journée de solidarité était fixée initialement le lundi de Pentecôte, sauf pour les entreprises travaillant déjà ce jour-là et qui pouvaient donc choisir une autre date. Mais la loi Leonetti du 16 avril 2008 est venue assouplir les modalités de mise en oeuvre. Pour le secteur des CHR, cet assouplissement n'a pas apporté de grandes modifications, dans la mesure où une majorité des entreprises du secteur travaillaient déjà le lundi de Pentecôte et avaient déjà la possibilité de retenir une autre date.

Qui fixe cette journée de solidarité ?

En principe, la journée de solidarité doit être fixée par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, ou, à défaut, par un accord de branche (article L. 3133-8 al.1 du code du travail). Ce n'est qu'en l'absence d'accord d'entreprise ou de branche déterminant les modalités de la journée de solidarité que l'employeur fixe librement cette dernière, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut des délégués du personnel, s'ils existent. Cette procédure doit être renouvelée chaque année.

Les récents avenants conclus dans le secteur - celui du 5 février 2007 et du 15 décembre 2009 - ne mentionnent nullement cette journée de solidarité et ne prévoient aucune disposition spécifique. Donc, le plus souvent, c'est à l'employeur qu'il appartient de fixer cette journée, dans le respect d'un minimum de règles.

Quel jour peut faire office de journée de solidarité ?

L'employeur peut décider que la journée de solidarité sera effectuée le lundi de Pentecôte - le 20 mai cette année - ou il peut choisir de retenir :

- un autre jour férié qui n'est pas travaillé (à l'exception du 1er mai) ;

- un jour de RTT (réduction du temps de travail) dans les entreprises qui appliquent ce dispositif sous forme de journées de repos ;

- le fractionnement de la journée de solidarité, en répartissant les 7 heures correspondantes sur plusieurs jours ou toute autre modalité qui permet le travail d'un jour précédemment non travaillé en application de dispositions conventionnelles.

Elle peut aussi être prise sur un des deux jours de repos hebdomadaire, car la loi n'en impose qu'un seul. En revanche, ne peuvent être retenus comme journée de solidarité : le 1er mai, un jour de congé payé légal, un jour de repos compensateur (celui-ci ne pouvant pas être assimilé à un jour précédemment non travaillé).

Dans la mesure où la convention collective des CHR prévoit l'attribution de 4 jours fériés ordinaires en plus du 1er mai, les employeurs peuvent donc choisir l'un de ces 4 jours fériés. Ce qui revient à n'accorder que 3 jours fériés ordinaires en plus du 1er mai. Les employeurs peuvent aussi choisir de l'imputer sur l'un des 6 jours fériés garantis accordés par l'avenant n° 6 du 15 décembre 2009.

Cas particuliers

En principe, la date retenue s'applique à l'ensemble des salariés de l'entreprise. Il n'est pas possible de prévoir plusieurs dates en fonction des différents services d'une entreprise. Cependant, il est prévu des exceptions permettant de retenir une journée de solidarité différente pour chaque salarié de l'entreprise, dans les cas suivants :

- lorsque l'entreprise travaille en continu (24 heures sur 24, sept jours sur sept, dimanches et jours fériés inclus) ;

- lorsque l'entreprise est ouverte tous les jours de l'année ;

- si le salarié ne travaille pas la journée de solidarité en raison de la répartition de ses horaires de travail, et que celle-ci tombe pendant son repos hebdomadaire.

Pas de rémunération

Le principe est que le travail de la journée de solidarité n'est pas rémunéré. La loi prévoit que cette neutralité ne joue que dans la limite de 7 heures. Les heures travaillées au-delà doivent être payées. Pour les salariés à temps partiel, cette limite de 7 heures est réduite proportionnellement à la durée de travail prévue par leur contrat. Par exemple, pour un salarié à mi-temps, la limite sera fixée à trois heures et demie (7 divisé par 2).

Pour les cadres au forfait jours, le travail de la journée de solidarité s'ajoute au nombre de jours fixés par la convention de forfait, sans donner droit à un complément de rémunération. Du fait de l'instauration de cette journée, la durée annuelle légale de travail est donc de 1 607 heures par an. Un plafond que doit respecter la profession en cas de modulation du temps de travail. Quant aux conventions de forfait annuel en jours, le plafond a été fixé à 218 jours. Pour éviter tout problème, il est fortement conseillé aux employeurs de faire apparaître cette journée de solidarité sur la fiche de paie afin d'être en mesure de prouver qu'elle a bien été effectuée.

Le principe validé par les institutions

Le Conseil d'État a jugé que cette journée de solidarité ne constitue pas une journée de "travail forcé ou obligatoire" au sens de l'Organisation international du travail (OIT). La haute instance a considéré qu'il s'agit d'une obligation civique normale en conformité avec les stipulations des conventions internationales, notamment l'article 4 alinéa 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conseil d'État 9 novembre 2007 n° 293987).

De même, dans une décision du 22 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a validé le principe de la journée de solidarité en décidant qu'elle respecte bien le principe d'égalité devant la loi.

Celui-ci a été appelé à se prononcer sur deux questions prioritaires de constitutionnalité transmises par le Conseil d'État et la Cour de cassation. Ceux qui contestaient la constitutionnalité de la journée de solidarité invoquaient la rupture du principe d'égalité devant la loi et les charges publiques. Ils avançaient l'argument suivant : la journée de solidarité ne s'applique qu'aux salariés et aux fonctionnaires et exclut de son champ d'application les artisans, les commerçants et les professions libérales sans salariés, ainsi que les retraités. Pour le Conseil constitutionnel, la différence de traitement avec les retraités et les travailleurs indépendants est "en rapport direct avec l'objet de la loi". Et les Sages de conclure : "L'instauration de la journée de solidarité n'est pas constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques".

Cependant depuis le 1er avril 2013, les retraités assujettis à l'impôt sur le revenu doivent désormais s'acquitter de cette contribution de solidarité pour l'autonomie à hauteur de 0,3 % de leur pension. Seuls les professions libérales et les artisans échappent pour l'instant à cette contribution. Mais pour combien de temps encore ? Michèle Delaunay, la ministre déléguée aux Personnes âgées, a déclarée qu'elle n'était pas défavorable à l'extension de la journée de solidarité, même si rien n'était prévu pour l'instant.


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Publié par Pascale CARBILLET



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