Quand on demande à Paul s'il y a eu des évolutions dans la cuisine depuis 1946, il se félicite que rien n'ait changé, bien au contraire. "Si vous venez manger ici, il faut prendre un supion en entrée, et ensuite une bouillabaisse. Sinon je vous frappe !" Paul Visciano exagère à peine, car il peut également vous proposer un poisson grillé. "Ici, on mange un poisson de Marseille, pêché dans la nuit. Alors la carte dépend de la pêche. D'ailleurs, la carte, c'est moi ! Vous arrivez, je vous présente les poissons du jour crus, puis ma femme vous les prépare. Un jour, une dame avait réservé pour le week-end, alors que nous avions eu un mistral épouvantable. Impossible de lui faire la bouillabaisse. On lui a préparé un loup, mais elle était tellement déçue qu'elle s'est mise en colère. 'Hé Madame, moi je ne suis pas météorologue, je suis Monsieur Michel', lui ai-je dit, et si il n'y a pas de poissons, je ne peux pas les inventer !"
Transmission familiale
La grand-mère de Paul a transmis ses recettes à sa fille, toujours présente en cuisine aujourd'hui, auprès de l'équipe qu'elle a formée depuis trente-cinq ans. Marc, le directeur, est là depuis bien longtemps. Il y a aussi la soeur de Paul Visciano à la comptabilité, son neveu Antoine en cuisine et sa fille Pascale : "Ma fille était douée pour les études. Lorsqu'elle a voulu nous rejoindre, j'ai tenté de la dissuader. Je lui ai dit non une fois, deux fois… et puis un lundi matin, elle est venue quand même. C'est notre vie, ici."
Et quand on demande à Paul si cette étoile le rend heureux, il répond : "Bien sûr, l'étoile ça fait plaisir. Mais d'un autre côté, on nous l'avait donnée en 1963, enlevée en 1992, rendue en 1999, puis enlevée en 2008, et maintenant on nous la donne à nouveau : je comprendrais si on avait changé les plats, la cuisine, le maître d'hôtel, ou même si j'avais changé ma casquette… Mais nous, on fait toujours pareil. On essaye juste de faire plaisir aux gens qui viennent manger chez nous."
Publié par Anne GARABEDIAN