Nicolas Stamm : l'Alsace au coeur

Obernai (67) Nicolas Stamm, en cuisine, et Serge Schaal, en salle, ont fait de la Fourchette des ducs l'un des restaurants phare de leur région qu'ils défendent avec vigueur. Le tout premier livre, Un chef en Alsace, permet de décrypter leur univers et de découvrir une cuisine authentique et moderne.

Publié le 05 mars 2014 à 13:23

L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ?

Nicolas Stamm : Je crois que je l'ai toujours su. J'ai été élevé par ma grand-mère qui cuisinait pour une trentaine de personnes tous les jours et je restais auprès d'elle en cuisine. À 6 ans, j'ai fait mon premier kouglof. Je pense que j'aurais été très malheureux si j'avais fait autre chose. Je suis entré au lycée Alexandre Dumas à Illkirch-Graffenstaden en BTH en 1998 et je suis allé rapidement dans le vif du sujet en restant trois ans en cuisine chez Jean Schillinger à Colmar, où je suis passé par tous les postes.

Quelle a été la technique la plus difficile à maîtriser ?

Il me semble que pour moi, c'est la maîtrise de soi, apprendre à canaliser ses émotions. Il faut utiliser le stress positif pour avancer, faire preuve d'abnégation au quotidien. En vieillissant, la sagesse commence à venir.

Quel est votre grand plat classique favori ?

La Poularde de Bresse en deux services sauce Albuféra. C'est un grand classique auquel on ne doit rien toucher si ce n'est le présenter en version d'aujourd'hui, plus light. Je vais bientôt le mettre à la carte avec des asperges.

Votre plat best-seller ?

Les Noix de Saint-Jacques, compotée de coeur d'artichaut, émulsion aux agrumes et vanille. Présent depuis l'ouverture du restaurant en 2000, maintes fois modifié au fil des ans, il exprime mon identité et mes clients le réclament.

Votre plat préféré à la carte ?

Le Pigeonneau d'Alsace au baerewecke. Le baerewecke, réalisé par les boulangers pendant les fêtes, est un pain de fruits secs et d'épices macéré pendant plusieurs jours dans du kirch. J'ai supprimé la pâte à pain et je roule les fruits secs dans une fine couche de farine. Cela fait des petits pains qui cuisent au four pendant une heure et dont de fines tranches sont déposées avec le suprême de pigeonneau poché, la sauce au citron et une fine brunoise de zestes de citron. Théo Kieffer, mon producteur installé à Northouse, est spécialisé dans le pigeonneau d'Alsace, mais nous avons un projet : réintroduire la poule d'Alsace à la crête rouge et plumage noir brillant, une race ancienne oubliée. Le lycée agricole est avec nous dans ce projet d'avoir une poule d'Alsace labellisée. Cela fait partie de la défense du patrimoine alsacien et des petits producteurs.

Le repas le plus éblouissant en France ?

Un repas chez Lasserre version 2014, orchestré par Antoine Pétrus, avec la cuisine de Christophe Moret et la finesse des desserts de Claire Heitzler. Les Langoustines à l'émulsion de citron et perles de légumes sont un plat magnifique. Quant à sa Poularde de Bresse sauce Albuféra, c'est pour moi la meilleure en France. Sans oublier un grand service impressionnant de raffinement.

Le repas le plus éblouissant à l'étranger ?

Le Four Seasons de Honk Kong compte deux restaurants 3 étoiles Michelin : le Caprice, spécialisé en cuisine française, et le Lung King Heen pour la cuisine cantonaise. C'est dans ce dernier que j'ai été très impressionné par le canard laqué exécuté dans le respect de la tradition.

Ce qui vous agace le plus ?

Les cuisiniers qui oublient que les grands restaurants, ce n'est pas seulement la cuisine, ce sont aussi des maîtres d'hôtel, des chefs de rang, des sommeliers… Ils détiennent un vrai savoir et sont essentiels. On doit protéger et mettre en avant les métiers de la salle.

La critique qui vous a le plus marqué ?

Celle de François Simon qui a été le premier, en 2000, à définir notre maison comme "la cohésion savoureuse entre le métier de cuisinier et le métier de la salle".

Le plus beau compliment ?

Au quotidien, ce sont les remerciements de nos clients. J'accueille chaque client et je les salue au moment du départ. Il faut être proche des gens et cela permet de recevoir leurs commentaires. La discussion permet parfois de désamorcer un petit mécontentement. Mais ce qui est vraiment épatant, c'est que dans nos établissements, les clients payent une prestation d'un certain coût et en plus, ils te remercient. Nous sommes l'un des rares métiers à avoir cette chance.


Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine



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