La création d’une gamme de produits dérivés est devenue une pratique courante chez les chefs étoilés, même si elle ne leur est pas réservée. Néanmoins, celle-ci ne se prend pas à la légère. Entre maîtrise des différentes étapes de conception, fabrication et commercialisation, rien n’est à négliger.
Le choix des produits
Les possibilités sont vastes, mais Sylvie Amar, stratège de marque, qui accompagne plusieurs chefs sur la création de leur gamme, recommande "de penser à une logique de marque et d’être cohérent", à la fois sur des produits en corrélation avec la cuisine, mais aussi le lieu géographique et l’identité de l’établissement. "Il faut des produits alimentaires car on est au pays de la gastronomie. Des outils de cuisine oui quand on est chef, des senteurs ou du linge si on a un hôtel, sinon, cela n’aura pas de sens".
Ainsi Jacques Chibois, qui s'est fait connaître pour sa cuisine autour de l'huile d'olive, en vend plus de 800 bouteilles/an à La Bastide Saint-Antoine à Grasse (Alpes-Maritimes) tandis que la famille Bras propose des produits fabriqués par les artisans alentours et en lien avec l’Aubrac.
Pratiquement, il faut que l’objet puisse tenir dans une valise et ne pas casser, d’où le succès des torchons par exemple : "c'est un cadeau facile qui peut convenir à tous les budgets" analyse Sylvie Amar.
Côté prix, il faut en effet voir large pour cibler un maximum de clients, même en étant positionné dans un établissement haut de gamme. Ainsi, le best-seller de la gamme Bernard Loiseau est le nectar de cassis, 6,50 € la bouteille de 75 cl. Il faut également penser aux enfants : à la fois parce que le client ne voyage pas forcément en famille mais aussi parce que les enfants vont vouloir ramener un souvenir. Torchons, peluches ou bonbons constituent des produits attractifs.
Les clés du succès
" L’erreur courante est de penser qu’on va pouvoir faire ça sur un coin de table. Pour que la gamme marche, il faut dédier une personne, en interne ou en externe, qui va porter le projet. En moyenne, il faut compter un an de travail ". De la conception de la gamme aux tests, des idées à la validation des recettes, de la production à la commercialisation, de la conception des étiquettes au choix des emballages, de la législation à la vente en boutique réelle ou virtuelle, de la communication au lancement presse, les étapes sont nombreuses et toutes indispensables.
De fait, si la démarche n’appartient pas qu’aux chefs renommés, le coût et le temps de conception ne sont pas à la portée de tous. D’autant que " ce n’est pas parce qu’on a une cuisine qu’on peut fabriquer " rappelle Sylvie Amar, " la législation est très spécifique sur ce type de produits ". Benjamin Collombat, chef au Jardin de Benjamin, à Lorgues (var), a créé en 2018 deux soupes froides et deux pickles fabriqués par la conserverie artisanale Au Bec Fin à Cogolin (Var) avec de nombreux tests avant d'arriver à reproduire à plus grande échelle les recettes voulues.
Associer sa marque à un fabricant (co-branding)
" Il faut avoir de quoi faire, de quoi stocker, de quoi distribuer ", résume Bérangère Loiseau. Le co-branding, qui consiste à faire appel à un artisan ou un fabricant, paraît donc une solution idéale : " ’intérêt est de bénéficier de la logistique, du réseau de distribution de l'artisan ou du fabricant, tout en ayant les garanties de qualité. C'est une association de savoir-faire". Ainsi, la marque Bernard Loiseau, en plus de ses produits signés, existe aussi sur 85 produits pour lesquels le groupe a créé les recettes en les faisant fabriquer par les meilleurs artisans : Edmond Fallot pour les moutardes ou Edouard Artzner pour les foie-gras par exemple.
Prolonger l’expérience client
Si une gamme de produits dérivés permet de prolonger l'expérience client ou de la partager avec l'entourage, l’intérêt est aussi l’apport d’un chiffre d’affaires complémentaire. " À condition de s’en occuper ", rappelle Sylvie Amar. Boutique physique ou en ligne, il faut penser au merchandising, à la communication, surfer sur les fêtes récurrentes. Ainsi, la boutique de Saulieu et la boutique en ligne Bernard Loiseau correspondait en 2017 à 4 % du chiffre d’affaires du groupe, avec un panier moyen à 51 € à la boutique de Saulieu et un panier moyen de 192 € en ligne.
Pour les produits alimentaires, les servir au restaurant est déclencheur : " quand nos clients ont goûté notre huile d’olive à table, ils veulent absolument en ramener ", constate Jacques Chibois. Les établissements Bernard Loiseau servent aussi de préfèrence les produits de la gamme, une vitrine pour donner envie de ramener une part de rêve à la maison.
Produit #SylvieAmar# Bernard Loiseau
Publié par Marie TABACCHI