Quel est le principe du Neurokiff ?
Eric Guérin : Les ondes électriques émises par le cerveau lors de la dégustation sont transmises au Neurokiff par le biais d'un casque neuronal. Elles sont ensuite interprétées en état émotionnel positif ou négatif selon les travaux scientifique d'un neurobiologiste. Elles sont ensuite représentées visuellement sur des tablettes mobiles. Plus le plaisir est grand, plus les petits cercles s'agrandissent et plus les couleurs sont visibles. En parallèle, l'émotion est aussi perceptible sous la forme d'une harmonie sonore qui varie selon l'intensité enregistrée.
En quoi consistait votre participation ?
E. G. : Je suis entré dans l'aventure pour provoquer de réelles émotions aux dégustateurs et faire ainsi réagir au maximum les capteurs afin de jouer autour des aliments avec des saveurs inédites, des textures, ou avec des marqueurs de goût comme le piquant ou l'acidulé.
Comment s'est passée l'expérience ?
E. G. : Très bien. Je prends vraiment ça comme un jeu, comme si j'étais un genre de pionnier, d'aventurier, un premier pas sur une nouvelle lune en quelque sorte. Le monde de la recherche et celui de la cuisine sont très éloignés et pourtant pour cette expérience, on marche sur un même chemin.
A-t-elle été concluante ?
L'aventure Neurokiff fonctionne très bien. Chaque personne y répond avec sa sensibilité, mais il n'est pas possible de simuler. Par exemple, alors que je faisais déguster une bouchée de thon framboise livèche à Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au numérique, le neurokiff restait presque muet. J'ai demandé à Mme Lemaire si tout allait bien et elle m'a avoué à demi- mot qu'elle ne mangeait pas de poisson cru. La machine avait enregistré le malaise et j'ai pu le décrypter rapidement. Puis le Neurokiff s'est ensuite emballé sur les autres associations comme chocolat blanc, fourme d'ambert et truffe.
Comment le Neurokiff pourrait évoluer ?
E. G. : On pourrait aller plus loin dans la captation des données physiologiques exprimées par le corps lors de la dégustation en intégrant des caméras thermiques pour évaluer la chaleur corporelle qui est un facteur d'émotions, des capteurs de pression artérielle et accélération cardiaque, des web cam pour la dilatation de la pupille... Bref, tout un tas de capteurs supplémentaires qui permettent de tracer les expressions corporelles des émotions. Elles s'expriment par notre corps d'une façon ou d'une autre...
Quel est pour vous l'intérêt d'une telle machine ? Quelles applications pourriez-vous imaginer ?
E. G. : Si je ferme les yeux et que je rêve du Neurokiff demain, je vois plusieurs applications possibles comme des cours de goût à l'école pendant lesquels les enfants partiront à la découverte de leurs premières émotions autour des saveurs et des produits. Plus loin encore, pourquoi pas des capteurs dans les sièges des restaurants reliés directement à l'équipe de salle ou de cuisine pour réagir rapidement lors d'un problème de goût sur une table pour échanger le plat. Ce détecteur de mensonge culinaire, loin de sanctionner une fois encore le professionnel, pourrait dans ma conception des choses devenir un véritable allié pour les futures générations. J'ai posé une première pierre, le reste est à construire ... »
Publié par Nadine LEMOINE