Quelle était votre motivation pour monter ce Sommet de la gastronomie durable en collaboration avec la Fondation Prince Albert II de Monaco ?
C’est la suite de la Naturalité. Il faut que tout le monde se mette à manger moins de protéines animales. Il faut prendre conscience de ce que manger veut dire par rapport à la santé des individus et de la planète. Je ne change pas de position. Il faut inverser les proportions : 80% de végétal et 20% de protéines animales. Autrefois, au restaurant, c’était l’inverse avec à peine 20% de garniture. C’est fini ! Au Meurice comme au Louis XV à Monaco, le bout de turbot ou de veau a changé de taille parce que ça suffit. Les clients de la haute gastronomie ne viennent pas pour se nourrir mais pour se faire plaisir. Et pour l’une des prochaines étapes, il faut goûter les produits dans leur plus grande naturalité à raison de 65 à 70 grammes de protéines maximum. Je n'y suis pas encore mais je veux être dans l’échantillonnage du goût. Il faut changer de paradigme et je crois que l’on peut faire école. Il faut que cela fasse tache d’huile… d’olive ! La haute gastronomie doit servir la restauration en général. On doit pouvoir saupoudrer et proposer une orientation pour tous.
A l'issue du Sommet de la gastronomie durable, vous comptez produire une charte de l'alimentation durable. Qu'en attendez-vous ?
Il faut que les chefs s’engagent. Il faut que l’on rallie 30, 50, 100 chefs en France et à l’étranger. Avec ce sommet, j’ai voulu prendre la température, voir si cela suscitait l’intérêt. L’étape d’après, c’est la rédaction d’une charte de l’alimentation durable pour embarquer les cuisiniers, jeunes ou moins jeunes, ici comme à Tokyo, à en suivre les engagements. Cette charte va reprendre les 12 engagements majeurs qui seront issus des conclusions du sommet de la gastronomie durable. Mais il faudra quelques mois pour la peaufiner en demandant aux chefs ce qu’ils sont prêts à faire. A quoi veulent s’engager les confrères ? Ensuite, il faudra y revenir dans deux ans afin de mesurer les effets du respect des engagements et voir si l’on peut aller encore plus loin. Il faut évangéliser en disant : Etes-vous conscient qu’il va falloir changer ? On va poser les bases d’une évolution qui n’est pas une révolution mais un engagement.
Un exemple à méditer ?
J’admire mon confrère Daniel Humm qui a fait un restaurant vegan à New York, Eleven Madison Park, en rouvrant après le Covid. Michelin lui a donné 3 étoiles. Il fait un travail extraordinaire. Pour l’aider dans ses recherches, il a fait appel à Toschio, expert de la cuisine vegane des temples bouddhistes de Kyoto. J’ai travaillé avec ce chef en 2013 avant de faire la Naturalité car je suis allé dans la compréhension de la cuisine vegane traditionnelle. Avec Toschio, on n’apprend pas de recettes mais l’esprit, l’ADN de la cuisine végane de tradition japonaise. Cela nous a enrichis. Daniel Humm fait de la haute cuisine végane aujourd’hui. Je n’en suis pas là. Peut-être un jour. A Sapid à Paris, on est à 85/90% végan. Ce restaurant est un réfectoire qui montre que ce choix est possible aussi pour des gens avec un budget modeste.
Publié par Nadine LEMOINE